16 octobre 2008

Jack white et le reste...

Mon temps étant fortement compté, voilà longtemps que je n’avais pas pris quelques minutes pour écrire quelque article musical… Cela ne m’empêche évidemment pas de passer à coté des grands phénomènes musicaux sans pour autant les commenter (mea culpa de ne pas avoir écrit une ode à The Last Shadow Puppets).
Mais dans le cas présent, le miracle accompli mérite bien quelques lignes. Le miracle dont je parle est le morceau qui constituera la musique du générique du prochain James Bond (Quantum of Solace) : Another Way to Die. Le tout est taillé et poli par Jack White (entre autres leader des White Stripes et des Raconteurs) et chanté par la belle Alicia Keys (auteur, compositeur, interprète de soul et de r'n'b).
A la première écoute, la chanson parait désordonnée, sans forme, voire négligée. Nos oreilles ne se sentent pas interpellées et l’on serait tenté de laisser cette impression nous priver d’une deuxième écoute, plus attentive.

Avant de continuer, ouvrons une parenthèse. La carence en repères est un facteur morbide voire mortel pour un morceau de musique. Pourquoi un tube marche-t-il ? D’après moi, le public, en l’écoutant, doit ressentir quelque chose, ne serait ce que la moindre sensation de plaisir, souvent imperceptible et inconsciente, mais qui fait que nous en redemandons pour éprouver une nouvelle fois cette petite jouissance qui vient d’on ne sait où et qui nous accompagne le temps d’un couplet, d’un refrain. Mais pour cela, le tube doit être commercial. C'est-à-dire qu’il doit intégrer un certain nombre de codes et de repères sur lesquels l’auditeur peut se reposer et se laisser porter, sans avoir à fournir le moindre effort pour obtenir un plaisir à l’écoute du morceau. Un tube est souvent court et creux, mais toujours parfaitement cylindrique, formaté, fondu dans un moule aux dimensions (dé)finies. Fermeture de la parenthèse.

Vous l’aurez donc compris, Another Way to Die, n’est pas de ces morceaux avec lesquelles on peut se contenter d’une écoute paresseuse. La chanson en elle-même s’inscrit dans un registre tout à fait Bondien. Reprenant le riff de Chris Cornell qui avait écrit la BO (You Know My Name) du précédent 007 (Casino Royale), Jack White se veut garant d’un esprit de continuité et de cohérence. Toutefois, il n’y a bien que les premières notes des deux morceaux qui les rapprochent, car sur le reste, White surpasse totalement son prédécesseur qui s’était contenté d’une chanson à repères, formatée. Jack White III (c’est comme ça qu’il se surnomme) fait preuve, ici, d’un investissement total et d’une créativité qui n’a visiblement pas connu le frein d’un producteur soucieux du succès du morceau en radio (logique)… En effet, la chanson commence par une intro de trente secondes, totalement différente du reste du morceau, et difficile à ingurgiter, des guitares archi saturées, des cuivres violents, des cymbales en accord de fond, des breaks, des reprises, avant même d’être entré dans le vif du sujet, Mr White nous offre quelque chose de quasi symphonique duquel on a du mal à se sortir intact… Je connais des groupes qui auraient pu écrire tout un album juste avec cette intro ! Ensuite viennent un «couplet » et un « refrain », nous aidant à nous remettre de nos émotions, car moins frénétiques malgré la tout puissance de ce « refrain » et sa philosophie à la Bond : Someone that you think that you can trust is just another way to die ! Enfin vient l’apothéose, on perd une fois de plus nos repères et l’effort pour ne pas décrocher est considérable, mais il faut tenir, car ce qui se passe est splendide, on assiste à une orchestration magnifique de cuivres, de guitares, de voix qui nous emmènent dans un rêve totalement fou, où tout a sa place dans une confusion totale. Et puis, il y a cette patte, cette signature Jack White, une production à fleur de peau, brut et complexe, bruyante et limpide.
Bref, un morceau, je pense, très réussi et qui mériterait presque qu’on le compare au Live and Let Die du vieux Paul, dans le style symphonique, complexe et âpre des mélodies (souvenez vous de la violence électronique des cuivres !)

Que dire de plus ?
Pas grand-chose… Un mot sur le clip (ci-dessous) assez époustouflant, un gros effort sur l’esthétique et la mise en scène, qui rajoute à l’effet subjuguant de la musique, j’espère que vous apprécierez autant que moi, et donnez votre avis !
Pour les curieux, allez écouter la version instrumentale ici : http://fr.youtube.com/watch?v=eXLFjPLkedg



El Scorcho